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Télécommunications internationales : Tout est parti du Minou !

buhez 113 p x cables minou 9Depuis les années 1990, l'écrasante majorité des télécommunications mondiales empruntent quelques 250 câbles sous-marins qui sillonnent le globe de long en large. Cette formidable aventure a commencé il y a près de 150 ans … sur la plage du Minou, à Plouzané !

A partir de 1837, les câbles télégraphiques aériens se développent très rapidement. Le premier câble télégraphique sous-marin au monde est britannique : il est mis en place en 1866 et relie l’Irlande et les Etats-Unis, via Terre-Neuve. Dès lors, les messages franchissent l’Atlantique en quelques minutes contre 15 à 20 jours en bateau.

Dans la seconde moitié du XIXème siècle, la ville de Brest, par sa position à la pointe de Bretagne et ses activités portuaires tant civiles que militaires, s’impose pour accueillir les bureaux du nouveau télégraphe transatlantique. Cependant, pour des raisons de sécurité (courants marins, importance du trafic maritime, …), les systèmes télégraphiques sous-marins ne peuvent transiter par le goulet qui donne accès à la rade. Il a donc fallu chercher, à proximité, des lieux propices à l’atterrissement des équipements pour les relier ensuite aux bureaux brestois par voie terrestre ou aérienne.

Le Minou : première station française de communication télégraphique transatlantique

Le site du Minou est choisi pour son accès facile et c’est ainsi qu’en 1869, le premier câble transatlantique français part de la plage de Plouzané, pour rejoindre les Etats-Unis, à Duxbury, plus précisément, sur la presqu’île de Cape Cod, au Sud-Est de Boston. Il transite par Saint-Pierre-et-Miquelon.

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Le cabanon technique, ou station télégraphique, sur la plage du Minou

(L’Illustration, journal universel du 10 juillet 1969)

La Société du Câble Transatlantique Français (SCTF) est maître d’ouvrage mais toute la fabrication et la pose sont assurées par les Britanniques de Telcon qui disposent d’une large expérience dans ce domaine : ils ont 365 jours pour le réaliser et ne sont payés qu’à la livraison. En échange, ils bénéficient d’un monopole de 20 ans. En fait, il faudra seulement un mois au navire Great Eastern et à ses bateaux auxiliaires (dont le Chiltern) pour assurer la liaison en posant, sur les deux tronçons, 6 180 kilomètres de câble.

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Arrivée du Great Eastern en rade de Brest

(Illustrated London news)

Le Great Eastern et ses bâteaux auxiliaires au large du Minou

(L’Illustration, journal universel du 10 juillet 1969)

Le 16 juin 1869, une tranchée est préparée pour abriter le câble, du rivage à la cabane qui héberge les appareils.

Le 17 juin au petit matin, à marée montante, 600 mètres de câble côtier sont débarqués en mer, à proximité du rivage. 120 marins, espacés d’un mètre, le portent sur leurs épaules du bord de mer à la cabane.

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Le Chiltern se préparant à débarquer le câble sur le rivage

(Illustrated London news du 10 juillet 1869)

Débarquement du câble télégraphique sur le rivage du Minou

(L’Illustration, journal universel du 10 juillet 1969)

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Plus de 100 matelots français et anglais portent le câble

jusqu’au cabanon technique de la plage du Minou

(Le Monde Illustré du 26 juin 1869)

Le câble est halé jusqu'au cabanon technique

(Illustrated London news du 3 juillet 1869)

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Au large du minou, le Hawk ouvre la voie vers l'Amérique aux autres navires

(L’Illustration, journal universel du 10 juillet 1969)

Opération de dévidage du câble, au large du Minou, depuis le Chiltern

(Le Monde Illustré du 26 juin 1869)

 

Le Chiltern, un navire anglais, dévide alors lentement une nouvelle portion de câble reliée à la précédente, tout en restant en communication télégraphique avec les électriciens à terre. Il termine son travail au large de la pointe Saint-Mathieu.

Le dimanche 20 juin, le Great Eastern prend le relais des opérations, accompagné dans les premiers miles par une armada de navires avec, à leurs bords, journalistes, officiels et curieux, ne voulant rien manquer de l’événement.

A Brest, un grand banquet clôt la journée : sous des acclamations unanimes, M. Kerjégu, député de Brest, y porte un toast « à l’union de l’Angleterre, des Etats-Unis et de la France ».

Du 21 juin au 12 juillet, le Great Eastern, accompagné du Chiltern et d’un autre bâtiment, le Scanderia, assurent la pose du dispositif jusqu’à Saint-Pierre-et-Miquelon. Bien sûr, la traversée n’est pas sans aléas techniques et climatiques : une tempête interrompt les travaux pendant trois jours et par trois fois, le câble doit être remonté pour être réparé. Les défauts techniques sont décelés et localisés à distance avec une grande précision grâce à un appareil-galvanomètre. Ce procédé est utilisé par son inventeur lui-même, Sir William Thompson, hébergé pour l’occasion dans le fort du Minou.

Le 12 juillet, le système est mis en place dans l’anse Saint-Pierre, petite crique isolée au nord de l’île de Saint-Pierre-et-Miquelon. Là, une maisonnette assure le relais vers les installations terrestres. C’est de là que part le message inaugural de la ligne, à l’adresse de Napoléon III.

Du 15 au 23 juillet, trois bateaux à vapeur, le William Cory, le Scanderia et le Chiltern, posent les 1 390 km restants entre Saint-Pierre-et-Miquelon et Duxbury, près de Boston.

Les trois bâtiments reçoivent un accueil fervent et exalté : plus de huit jours de fêtes en tout genre, réunissant jusqu’à 5 000 personnes. Banquet et feux d’artifice célèbrent l’événement ! Un toast est porté « au câble transatlantique français qui unit nos deux continents, qu’il soit à tout jamais un lien de bonne entente et le promoteur d’une paix internationale aussi sereine et calme comme le sont les fonds marins qu’il parcourt. »

Au Minou, la guérite en bois est un relais pour des prolongements souterrains longeant la route et reliant les bureaux de la SCTF, sis au 35 rue Saint-Yves et au 6, rue Ambroise Thomas, d’où elle assure la retransmission nationale par le réseau terrestre.

La vitesse de transmission est alors de 10 à 12 mots par minute de Brest à Saint-Pierre-et-Miquelon et de 20 mots par minute de Saint-Pierre-et-Miquelon à Duxbury.

Au terme de luttes économiques et financières sous fond de guerre des tarifs, la SCTF passe, en 1873, sous le contrôle de l’Anglo American Telegraph Company. Cette situation place alors la France sous la dépendance exclusive d’un opérateur étranger pour la transmission de ses télégrammes à destination des Etats-Unis. Tous les enseignements seront tirés de ce revers de fortune puisque, par la suite, les gouvernements en place et les responsables des compagnies, veilleront à sécuriser et à stabiliser la propriété nationale des compagnies françaises (*).

Le système fonctionne jusqu’en 1894. A compter de cette date, sa gestion est trop souvent confrontée à des problèmes techniques qui s’ajoutent aux difficultés économiques évoquées précédemment. Son utilisation est définitivement abandonnée en 1898.

Entre temps, depuis 1870, Brest était aussi reliée au Sud-Est de l'Angleterre via la station de Brignogan avec laquelle elle était connectée par des câbles aériens. Confrontée aux mêmes ennuis, elle sera abandonnée en 1900.

Déolen, aussi

Le câble transatlantique qui lui succède prend son départ à quelques encablures du Minou, sur le site de Déolen, en Locmaria-Plouzané. Il a en fait été mis en place dès 1879 selon un parcours quasiment identique au précédent. En 1897, un autre câble vient compléter ses fonctions : le « Direct », déroulé de Déolen à Cape Cod sans transiter par Saint-Pierre-et-Miquelon. Avec ses 6000 kilomètres, c’est le plus long câble sous-marin jamais posé. En 1898, un petit tronçon est ajouté pour le rallonger jusqu’à New-York. Il est ensuite rapidement connecté à un autre réseau – sous capitaux français - déployé dans les mers des Antilles. Les communications télégraphiques sont alors possibles de Déolen vers New-York, Cuba, La Martinique, La Guadeloupe, La Guyane mais aussi le Venezuela, le Suriname et le Brésil.

De Plouzané vers l’Afrique … et l’Amérique

La station du Minou reprend du service en 1905 dans le cadre d’un projet visant à relier la métropole aux colonies africaines : un câble de 2 847 miles nautiques est mis en place de Plouzané à Dakar, au Sénégal. Côté terrestre, la connexion avec Brest est assurée par une prolongation souterraine passant par Penfeld et Kérinou. En Afrique, des équipements télégraphiques sont progressivement installés le long des côtes, reliant ainsi plusieurs pays du littoral ouest, du Sénégal au Gabon puis jusqu’au Congo. Mais l’extension la plus intéressante est celle courant le fond des mers de Dakar à Recife, au Brésil, sur le continent sud-américain. Grâce à ce dispositif, la France dispose désormais d’un circuit transatlantique sous-marin complet reliant les trois continents : il jouera un rôle essentiel lors de la première guerre mondiale de 1914 à 1918.

Enfin, c’est d’une manière bien singulière qu’un dernier câble sous-marin est connecté à la station du Minou : en 1915, en plein conflit mondial, la France et l’Angleterre détournent des liaisons sous-marines allemandes dont une reliant l’Allemagne à la Galice (Espagne) et au Libéria. Les deux nations réalisent ainsi – entre autres - une liaison Plouzané – Casablanca - Dakar. Cette installation double donc la capacité de trafic entre la France, l’Afrique et l’Amérique du Sud ! A noter qu’en 1919, la France conservera cet équipement par le Traité de Versailles, au titre des dommages de guerre.

Plouzané, station stratégique

En 1919, les deux sites de la pointe finistérienne constituent donc un des plus grands centres français de communications avec :

  • A Plouzané, au Minou, un réseau gouvernemental vers l’Afrique de l’Ouest et l’Amérique du Sud. Les câbles sont victimes de coupures au début de la seconde guerre mondiale. Réparés au lendemain de la guerre, ils sont alors déroutés vers Déolen et utilisés jusqu’en 1956 (câble 1915) et 1961 (câble 1905).

  • A Déolen, un réseau privé contrôlé par l’Etat, vers le Royaume Uni et toute la façade Est du continent américain. A partir de 1956, la station de Déolen s’arrête progressivement pour fermer définitivement le 30 juin 1962.

Epilogue :

Si les équipements matériels ont quitté la région plouzanéenne, l’aventure des câbles sous-marins de télécommunications a, quant à elle, bel et bien continué.

Aujourd’hui, la technologie numérique transporte indifféremment, sur tous les continents, Internet, le réseau téléphonique et les réseaux professionnels de télévision numérique. La plupart des télécommunications internationales transitent par des câbles sous-marins qui évitent la perte de temps induite par l’aller-retour avec les satellites. En 2015, 99% du trafic intercontinental transitent sous les océans par près de 300 systèmes à fibre optique totalisant plus d’un million de kilomètres de câbles posés et entretenus par une centaine de navires câbliers.

 

(*)Gestion économique :

Les câbles transatlantiques brestois ont été gérés par une entité administrative qui a changé de noms et de statuts de très nombreuses fois, au gré des faillites, rachats, absorptions, transferts, etc…

Le câble Minou-Saint Pierre-Cap Cod (1868-1894) a été géré par la Société du Câble Transatlantique français (SCTF) puis par l’Anglo American Telegraph Company avant l’Eastern.

Le câble Minou- Dakar – Afrique de l’Ouest – Amérique du Sud (1905-1961) a été géré par l’Administration des PTT puis par la SUDAM.

Le câble Minou – Casablanca – Dakar (1915-1956) était géré par la Ger. South Amer. Tg C° avant d’être subtilisé par les forces alliées pendant la seconde guerre mondiale. Après celle-ci, sa gestion a également été confiée à la SUDAM.

 

Source exclusive :

Ouvrage La grande aventure des câbles télégraphiques transatlantiques à la pointe de Bretagne

par l’association Locmaria-Patrimoine et disponible auprès de celle-ci

(Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ou Janick Bodénès, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)